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Lundi 14 décembre 2020
Déambulation dans Marseille avec Rachel
MARSEILLE,
Un samedi matin en temps de pandémie de COVID 19.
J'habite Marseille depuis près de vingt ans, j'y suis née et pourtant je ne suis pas Marseillaise. Etre Marseillais c'est toute une affaire. Ne l'est pas qui veut. Il y a des règles, je ne les connais pas ; des raisons, qui font que vous ne le serez jamais au regard des vrais Marseillais. Avoir habité et aimé Paris pendant quelques années par exemple en est une. Qui sont donc ces Marseillais de droit ? Je n'en sais rien. Je n'en ai jamais rencontré un seul dans cette ville énorme, tentaculaire et cosmopolite qui n'a cessé au fil des siècles d'accueillir les émigrants du monde entier. Je sais pourtant qu'ils existent, ils ont même une langue, j'en connais quelques mots, cela ne suffit pas. Ils permettent néanmoins aux autres dont je fais partie de se différencier. Je connais à Marseille une brasserie fréquentée en majorité par d'anciens parisiens heureux de se retrouver là pour se sentir moins seuls, on la découvre et l'on s'y reconnaît comme anciens parisiens sans même se parler. Vous pensez que j'exagère ? Pas du tout, elle est située non loin de La Préfecture. En ces temps de confinement elle a hélas comme les autres tiré son rideau et empilé ses chaises, il faut trouver ailleurs un peu de chaleur humaine.
Hier pourtant, et le fait est suffisamment remarquable pour que je prenne la souris, je me suis sentie Marseillaise. Voilà, c'est dit !
Je n'ai ni famille ni amis à Marseille, seules deux voisines gentilles et quelques relations. Mes activités de loisirs y sont limitées elles se résument au club de lecture de la bibliothèque du PANIER qui se réunit un samedi par mois. C'est gratuit, pour y participer il suffit d'habiter Marseille, et même ça n'est pas obligatoire. On peut y venir une seule fois ou chaque mois, rester un an et même plus sans y mettre les pieds et être accueilli sans aucun commentaire comme si on vous avait quitté la veille. La bibliothécaire en est plus ou moins la responsable mais au fil des années et des soubresauts politiques de la ville ce n'est même plus le cas. Contre vents et marées le Club continue de se réunir. Le livre finalement justifiant seul sa permanence. Il y eut même quelques mois où la bibliothèque étant fermée pour je ne sais plus quelle raison, nous nous réunissions dans un salon de thé marocain près de la Vieille Charité en sirotant un thé à la menthe accompagné de pâtisseries orientales, cela n'a pas duré dommage ! La bibliothèque a rouvert et le salon de thé a fermé.
Elle a rouvert pour être à nouveau fermée trois jours sur quatre quelques années plus tard, économies obligent. A Marseille on préfère le foot aux bibliothèques. Qu'à cela ne tienne le Club tenait quand même tant bien que mal, manifestant, pétitionnant pour la réouverture de la bibliothèque ; jusqu'à la fermeture définitive, ou pas (avec les nouveaux édiles on espère !) juste avant le premier confinement. C'en était fini. Sidérés comme tout un chacun par ce foutu COVID nous sommes restés gentiment obéissants de mars à mai derrière nos écrans. Hélas quand nous avons été déconfinés la bibliothèque n'a pas rouvert pour autant.
Que faire ? Pas question de renoncer au Club de Lecture. Il faut dire qu'il y a un fond de participants fidèles, plus ou moins une dizaine, ça dépend des mois, fortement motivés. Une des jeunes participantes, grande lectrice, Nathalie (https://chezmarketmarcel.blogspot.com/) a pris les choses en main. Nous allions vers les beaux jours, restaient mai et juin avant les vacances (Le Club fait la pause durant l'été) le COVID préférant l'intérieur nous nous réunirions en extérieur. Mais où ? Marseille compte peu de places tranquilles ce serait donc dans le quartier du PANIER, sur les bancs de la charmante Place des Moulins. Sitôt envisagé, sitôt accepté. Nous avons eu avant l'été deux séances mémorables, chacun y allant de ses lectures de confiné, qui se sont closes par un pique-nique gargantuesque. A la rentrée on verrait bien !
A l'automne bibliothèque toujours fermée nous avons récidivé, septembre, octobre furent délicieux, novembre pendant le deuxième confinement nous avons transgressé dûment masqués, un coussin sous les fesses. Sous un pâle soleil il faisait un peu frisquet. La distanciation physique ne permettant pas les rapprochements, décembre ne s'annonçait pas sous les meilleurs auspices. On allait compter sur le soleil, prier la bonne mère et les saints du calendrier... Marseille compte un nombre incalculable de saints ! Je vous en raconterai l'histoire une autre fois chacun sait à Terre de Lecteurs que les saints ça me connaît : Saint Roch, Saint Genès, j'en passe et des meilleurs...
En décembre COVID toujours présent, biblio toujours fermée, la météo s'annonçant catastrophique, la place des Moulins étant à l'ombre, il fallait prendre une décision, changer nos plans. De plus étant re confinés nous allions transgresser sévère. Les jardins étant permis, ils sont rares à Marseille, nous avions le choix soit le jardin du PHARO non loin de chez moi, soit le jardin du Fort Saint-Jean dans l'enceinte du MUCEM. Le Fort Saint Jean fut choisi, le froid, la pluie et même la grêle étaient prévus, Nathalie avait préconisé les doudounes, les bonnets et les après-skis, Daniel, protecteur avait parlé de thermos et de café, j'avais annoncé imprudente que j'apporterai des biscuits, impossible de me défiler. A tout casser, nous allions être huit ! Rachel tu n'es pas sérieuse.
J'ai oublié de vous dire qu'une bonne moitié des plus motivés sont vieux (le gros mot est lâché) le froid n'est pas leur affaire. Eva l'une d'entre eux bravant les consignes sanitaires a proposé que l'on se réunisse chez elle si nous n'étions pas allergiques aux chats. Ouf ! Les vieux étaient sauvés sinon du COVID au moins du froid, les jeunes eux ont préféré ne pas venir. C'est là qu'on voit ce qu'il en est de l'âge... Je vous laisse à la controverse... Vous me direz que c'est sûrement pour protéger les vieillards inconscients ! Quand on est vieux il faut avoir des vertus, l'indulgence en est une.
Vendredi soir, comme prévu, brutalement un seul coup de tonnerre a ébranlé toute la ville, la pluie et la grêle se sont mises à tomber en trombes. J'ai rentré fissa le relax et les coussins, calculé l'itinéraire pour me rendre chez Eva qui habite en face de chez moi mais sur l'autre rive du vieux port square PROTIS, à pied, en bus ? tout dépendrait du temps.
Samedi matin le jour se lève une nuée rose se dessine à l'horizon, progressivement le ciel s'éclaire, le bleu azur l'emporte, le soleil étincèle. La pluie a tout lavé, l'air est doux, la lumière transparente. La météo avait juste un jour d'avance. J'ai chaussé mes baskets panthère chics, enfilé ma doudoune et mes gants, ajusté le masque sur mes oreilles pris mes livres et mon attestation sous le bras et me voilà partie pédibus jambus !
Il est encore assez tôt, peu de monde dans les rues, la ville est tranquille. Je passe devant le Fort Saint Nicolas tout près de chez moi en ayant une pensée pour GIONO qui y fut emprisonné. Je traverse le boulevard de la Corse et j'emprunte la rampe Saint Maurice qui dégringole en pente raide. Je passe devant la belle maison où séjourna quelques temps Paul VALERY, je poursuis par l'abbaye de Saint Victor, le sapin de Noël immense se dresse fièrement sur le parvis et tant pis pour les écologistes. Il n'a pas encore ses guirlandes mais impérial face à la mer, fait tout de même la nique à tous les mats du vieux port qui s'élancent en vain à ses pieds. Je prends les escaliers de la rue Sainte Catherine et je déboule sur le vieux port. Là quelques matinaux font leur jogging, certains sont masqués. Il y a à Marseille plusieurs façons de porter le masque ce peut être classiquement comme préconisé, ou bien de manière plus originale autour du cou en minerve ou cache-col ou encore en bandoulière accroché à une oreille ou plus anarchiste en brassard autour du bras de manière provocatrice. Ce matin tous les cas de figure sont représentés. J'arrive au Ferry boat, par chance il fonctionne.
Personne, je suis seule à attendre qu'il revienne de l'autre rive. Les bateaux sont à l'arrêt, la mer clapote doucement, deux sportifs font de l'aviron, il filent à vive allure devant moi. Face à la bonne mère de l'autre côté se dresse le clocher des ACOULES. Nous sommes finalement deux à prendre le ferry qui glisse sans bruit sur la mer calme. Il accoste devant l'Hôtel de Ville. Un calicot sur la façade nous enjoint la prudence. Je monte vers la Place de LENCHE. Vous vous en souvenez peut-être nous y avions déjeuné l'année de l'AG TDL à MARSEILLE. J'emprunte la rue Saint THOME, je continue rue Saint LAURENT et j'arrive enfin square PROTIS à un bout de la ville. Au-delà c'est la Méditerranée.
Je connais cet endroit pour m'y être promenée dans les débuts où j'habitais MARSEILLE, on y voit le grand large. Un peu d'hésitation à l'entrée de l'immeuble qui date de la reconstruction du quartier du PANIER après la guerre. Je déambule avec succès dans un labyrinthe de couloirs, il y a des choses qui se méritent, j'atteins le deuxième étage où habitent EVA et son mari. La porte est ouverte ; j'entre et c'est l'éblouissement. Je suis dans un bateau. Derrière les immenses baies vitrées la mer s'étale à mes pieds, le mur qui lui fait face est tapissé de livres. Les autres clubistes sont déjà arrivés. Il y a Daniel qui est infirmier, le d'jeune ; Odile qui a écrit des livres de recettes méditerranéennes. Nous avons elle et moi en commun un amour particulier pour la Turquie qu'elle connaît bien. Il y a bien sûr Eva la maîtresse de maison et son mari Pierre. Eva est allemande, végétarienne, écologiste, amoureuse des bêtes plus que des hommes, grande lectrice, Pierre professeur à ce que je crois. Peu après moi arrive Ysabel. Ysabel est une femme rare de ces êtres souriants à l'air tendre dont on a immédiatement envie de devenir l'amie ; la permanence du Club de Lecture et la bibliothèque du PANIER lui doivent beaucoup, elle habite le quartier depuis plus de quarante ans. Nous sommes au complet, six ni plus ni moins, le compte est bon.
Autour de friandises et d'un délicieux gâteau aux carottes, dans la compagnie des chats nous avons tenu notre réunion. Pierre a parlé du dernier livre de Laurent MAUVIGNIER Histoires de la nuit. Il n'a pas beaucoup aimé, il a même arrêté de lire car il avait peur ! Je m'étonne sans rien dire. Odile parle du prix Goncourt : L'anomalie d'Hervé LE TELLIER qu'elle a trouvé formidable, elle a un faible pour l'OULIPO et aussi du livre d'Emmanuelle LAMBERT GIONO furioso. Emmanuelle LAMBERT est la commissaire d'exposition qui a conçu la grande exposition sur GIONO qui s'est tenue en octobre 2019 au MUCEM elle est aussi écrivaine. Eva lui succède évoquant le roman de Jonathan COE Le cœur de l'Angleterre, une famille dans la tourmente de notre époque et du Brexit, elle a lu aussi Une bête au Paradis de Cécile COULON, histoire tragique d'une lignée de femmes dans une ferme à la campagne. Cela donne lieu à un échange de souvenirs sur l'ancien temps, la tuerie du cochon, le rapport à la terre que nous entretenons les uns et les autres. Daniel enchaîne avec Un ami de la Terre de T.C. BOYLE, roman américain sur les préoccupations environnementales anticipatrices d'un héros tragique. Ysabel poursuit avec L'art de perdre d'Alice ZENITER , saga d'une famille algérienne prix Goncourt des lycéens en 2018 qui a obtenu un immense succès. Elle a lu aussi de Laurent PETITMANGIN Ce qu'il faut de nuit, prix Fémina des lycéens, histoire d'un homme qui élève seul ses deux garçons. Enfin j'avais ouvert la réunion avec Préhistoires de Jean ROUAULT, un petit bijou d'humour sur nos ancêtres néanderthaliens dans une écriture magnifique et le Hussard sur le toit de Jean GIONO qui m'a accompagné tout au long de l'année et m'a permis de relativiser beaucoup notre pandémie. Je ne m'étendrai pas sur cette lecture mais je vous la recommande grandement elle est presque une médecine dans le temps que nous vivons.
Je me demande si vous me lirez jusqu'au bout, peut-être au troisième confinement l'année prochaine, le meilleur me semble pourtant pour la fin. Quand nous eûmes fini d'échanger sur nos lectures. Pierre a dit nous allons monter au sixième étage pour un dernier moment d'échange dans l'appartement plus grand de nos voisins actuellement absents. Nous voilà en file indienne qui par les escaliers et qui dans l'ascenseur nous élevant dans les hauteurs de cet immeuble probablement unique en son genre à MARSEILLE. Là haut une surprise nous attend. Le propriétaire de cet appartement est peintre, ses tableaux très grands, pour la plupart non figuratifs, étalent sur les murs blancs leurs couleurs profondes, moi j'aime, d'autres moins. Ce n'est pas tout l'appartement est traversant : nous sommes en mer en partance vers le large. A l'Est vision à 360° de la ville blanche et rose qui s'étale sur le bleu dur de la MEDITERRANEE, veille la Bonne mère, au Nord les collines chères à Marcel PAGNOL ; à l'Ouest le large et l'Estaque, la côte bleue jusqu'à l'horizon, au Sud l'infini de la mer. Je suis émue par tant de beauté. La lumière est incroyable caressant cette ville aux couleurs tendres d'un seul coup d'œil unifiée, immuable et silencieuse alors que je ne la connais que sale, criarde, vulgaire et impossible à appréhender dans son entier, divaguant d'un quartier à un autre sans que rien ne semble les unir. Je suis saisie et conquise, vaincue aux larmes par une émotion inattendue et je comprends en un instant ce qu'éprouvent les vrais Marseillais qui pensent que leur ville est la plus belle du monde, hors tout, seule et unique. L'émotion passée, je pense aux peintres qui disent qu'il faut s'éloigner un peu du tableau pour en saisir toute la profondeur. Pour parachever cette matinée tout à la fois ordinaire et singulière le champagne nous attend. Nous avons échangé comme des gamins contents d'avoir transgressé un interdit et qui, au lieu d'être punis sont récompensés. Puis chacun est reparti chez soi, heureux.
Nous avions choisi et tout en mesurant nos risques (Daniel avait gardé son masque pour nous protéger, sauf pour boire le champagne) pris le parti de vivre comme nous avions envie de vivre ce jour là, et toute proportion gardée, comme le hussard. Le plaisir a perduré et moi qui n'ai pas beaucoup écrit pendant ce confinement j'ai eu envie de vous faire partager cette matinée intense que j'ai vécue, non pas seule derrière mon écran si large soit-il, mais avec les autres, tous ensemble à l'unisson, marseillais de nulle part dans la même émotion. Tout dans cette matinée a été parfait, sans ombre. La Beauté, un je ne sais quoi d'indicible qui nous a réuni s'est offert à nous. DOSTOIEVSKI a écrit "La Beauté sauvera le monde". Il me plaît de le croire.
Rachel
Vendredi 11 décembre 2020
Un nouveau montage de Joëlle : Pierre noire...
Errance : un texte de Monika
Mardi 17.11.20
Errance
Il franchit le seuil, ferme la porte et s’en va. Il descend vers le village, dans l’ombre de la vallée, longeant la route abandonnée. C’est calme. Plus que calme. C’est désert. Personne dans les rues, personne sur la place. Des silhouettes à travers des vitres, vite cachées par des rideaux. Devant le bar, les tables et les chaises sont alignées, attendant les clients. Un chien traverse la place, craintif, la queue entre les jambes. Un chat noir grimpe sur l’arbre en face de l’église fermée. Le marcheur prend le sentier qui monte vers le plateau, vers le soleil. Cailloux, buissons épineux, plumets d’herbe sèche. Silence. Sur la montée, son pas devient pesant, Une pie s’envole en jacassant. Pas d’autres bruits. Juste la terre ocre, ferme, qui fait résonner ses pas, son souffle qui s’accélère dans l’effort. Forêt de châtaigniers, puis de pins. Lacet après lacet, il gagne le plateau. La lumière. L’espace. Pas une âme en vue. La steppe, les herbes qui ondulent sous le vent. Au loin, un hameau. Il continue son chemin tout droit, à travers les prés, sautant les clôtures, évitant un troupeau de moutons sans chien, sans berger. Avance à pas de géant. Se repose au pied d’habitations abandonnées. Tire de son sac quelques fruits secs à grignoter. Il reste un peu d’eau dans sa bouteille, mais il faudrait trouver une source ou une maison accueillante. Il suit toujours le chemin qui descend vers un village. Là aussi, les portes et les volets sont fermés, pas de café, pas de pain, le village semble inhabité. Mais la fontaine coule. Il se sauve, reprend le sentier qui remonte sur une montagne couverte de forêts, épicéas, hêtres, sapins, bouleaux. Des odeurs de sapins de Noël et de terre humide. Des traces de cerfs, de lapins, des pépiements d’oiseaux. Au sommet, une vue fantastique. Des chaînes de collines et d’arêtes, des vallées encaissées, des pentes violettes de bruyère. A l’horizon, le ciel bleu tombe dans la mer blanche de soleil. La mer. Il ira vers la mer. Liberté, espace. Le sentier redescend vers l’obscurité. Il se sent seul. C’est bien ce qu’il désirait. Mais cette solitude ressemble à un brouillard. Dense. A couper au couteau. A traverser en aveugle. Il aime mieux les hauteurs. Il remonte vers les crêtes qui défilent. En contrebas, la rivière qui enroule ses lacets dans des gorges sauvages. La rivière qui part vers la mer en accueillant sources et torrents. La rivière qui scintille sous le soleil.
Le chemin sent bon la garrigue, les odeurs acres de thym et de genièvre, de buissons de lavande et de romarin. Il grignote quelques brins d’herbes, il a faim. Au loin, en bordure du chemin une ferme. Il approche, appelle, se penche pour frapper à la porte qui s’ouvre brusquement encadrant une silhouette. Un fusil pointé sur lui. Cheveux gris, châle de lainage sur une blouse grise, la femme le regarde sévèrement. Qu’est-ce qu’il veut ? d’où il vient ? Méfiante, solitaire. Il bafouille, surpris, effrayé, il s’attendait à un refus, peut-être, mais pas à cette manière forte sur un sentier de randonneur. Finalement, elle l’invite à entrer, vous avez faim, ça se voit, je peux vous faire une omelette, j’ai les œufs de mes poules, un peu de pain, ça ira ? Faut pas faire attention au fusil, ici on est loin de tout, il faut être prêt ! Il mange en silence, sauce les œufs avec le reste de pain. Il apprécie. Pour la nuit, il y a un coin chaud près des moutons, si ça vous dit ? Il incline la tête, fait signe que oui, ça lui dit. Demain matin, si vous partez tôt, vous n’avez qu’à tirer le portail….
Il se lève avec les moutons, prend son sac, ferme le portail avec soin. Elle est devant la porte à l’attendre, un petit café avant de prendre la route ? Il se remet dans le chemin, reconnaissant. Bientôt, ses pas légers s’enfilent, réguliers, comme on enfile des perles sur un collier, un pas devant l’autre, un pas après l’autre, le corps s’est mis en automatique, l’esprit vagabonde. Il est parti pour se vider la tête, pour laver le cerveau, rien de son ancienne vie, tirer un trait, avoir des yeux neufs, trouver un sens…Une camionnette passe, le boulanger porte le pain à la ferme, une fois par semaine, elle le lui a dit, il pense à son air sévère et à sa générosité naturelle, une lumière dans son périple solitaire. La route descend vers l’abbaye et le cloître paisible qu’il avait envie de voir, pèlerin plus que touriste, mais il appréhende l’affluence. Le bourg est en contrebas, coule entre les falaises comme un serpent, comme une rivière, il avance avec prudence, ici aussi, tout semble fermé, les maisons, les magasins, pas de café, pas de pain, pas de cartes postales ni de souvenirs, pas de bruit, c’est lugubre, menaçant, le cloître est vide, comme abandonné, ni paix ni sérénité, il est inquiet, ne comprend pas, le monde ne semble pas tourner rond. La beauté de l’église romane ne le réconforte pas, il fuit, s’engage vers le Sud, par le pont du diable, par les vignes et les oliviers, il descend dans la plaine des vignerons, il marche, il fatigue, il se désole, la nature est pourtant accueillante, soignée, les raisins gonflent, les olives mûrissent, mais rien ne trahit une présence humaine. Tout est comme paralysé. Sauf lui qui marche. Marche encore. Marche jusqu’au point d’horizon, là où le ciel rejoint la mer, jusqu’au port, voir les bateaux balancer sur les vagues. Les bateaux. Monter sur l’un d’eux. Traverser la grande étendue pour la rive d’en face. Toujours le Sud. Mais les bateaux aussi sont immobiles, ils épousent les vagues, mais ils n’avancent pas…Alors il repart, plus loin, plus bas, vivant de cueillette dans les vignes, dans les jardins, dans la nature sauvage, pas après pas, village après village, saute une frontière, le pays est large, la terre est grande, il a encore des sentiers à parcourir, cherchant à comprendre cette paralysie, cette disparition, ce grand vide…et pourquoi lui, pourquoi cette fermière, pourquoi les animaux…il est en colère, il est en détresse, ce n’est pas cette solitude-là qu’il désirait, cette condamnation d’un monde auquel il est lié malgré ses déceptions et sa révolte. Il traîne son désespoir jusqu’au prochain sommet, un promontoire couronné d’une petite chapelle, se pose sous la croix, sort l’harmonica de sa poche, cet harmonica qui l’accompagne partout, qui le réconforte dans sa tristesse. Le caresse, souffle et en tire une mélodie lancinante pour réveiller ce grand vide, pour anéantir ce néant.
Monika
Un texte de Monique et plusieurs points de vue sur la neige !
La neige en décembre. Points de vue.
Ouah ! t'as vu la neige ce matin, c'est ouf tout ce qui est tombé ! on va pouvoir faire des bonhommes de neige, on pourra pas aller à l'école, le ramassage y va pas passer, le chemin n'est pas déneigé, ils sont où mes après-skis, dis ? Tu les as mis où, maman, mes après-skis ? Jonathan est impatient, il trépigne, s'il ne trouve pas ses après-skis il va sortir avec ses baskets, il enfile précipitamment sa doudoune bien chaude, son bonnet, les gants, il ne les trouve pas, et hop, il claque la porte en sortant.
Une première boule qu'il fait grossir en la roulant sur le sol laissant derrière elle la trace verte de la pelouse, les doigts s'engourdissent, peu importe, il veut le faire ce bonhomme de neige. Il porte une poignée de neige à la bouche, goûter la neige, fade, aucun intérêt mais il a goûté.
Jonathan n'a plus assez de forces pour rouler le gros corps du bonhomme, il demande de l'aide. Sa mère rechigne à sortir. Il s'en doutait, les grandes personnes n'aiment pas la neige devant la maison, elles l'attendent, l'adorent et la vénèrent seulement sur les pistes de ski. Allez comprendre.
Ce matin une quantité de neige est tombée sur le nord de la Lozère, vingt à quarante centimètres par endroits, (balayage de la caméra sur un paysage enneigé), la préfecture a annulé les transports scolaires, les routes secondaires sont difficilement praticables et quelques automobilistes se retrouvent dans le bas-côté, des dégâts matériels seulement (balayage de la caméra sur un véhicule en mauvaise posture dans un fossé), les services de l'autoroute ont été activés très tôt dans la matinée, les chasse-neige ont dégagé les voies dans les deux sens de la circulation, (rushes de la caméra sur l'autoroute, on distingue les phares brillants des véhicules dans le paysage de brouillard). Place au bulletin météo (en arrière-plan on aperçoit quelques chevaux qui se protègent sous les arbres, de la couleur au milieu d'un linceul blanc). Deux petites minutes se sont écoulées.
La France s'est réveillée sous la neige, des quantités importantes sont tombées sur les massifs atteignant jusqu'à 80 centimètres à 1800 m d'altitude. Une bande neigeuse traverse la France depuis les Pyrénées, passant par la Massif Central jusqu'aux Ardennes (rushes de la caméra sur quelques sommets. (A se demander si les vues datent du jour), quand l'invité du jour, un spécialiste de météo France déverse ses connaissances sur les tempêtes de neige comme s'il était étonné que la neige tombe en décembre.
Il n'a pas regardé les prévisions météo pour le lendemain, enfin c'est ce qu'il dit, il n'a pas pris son service à cinq heures du matin comme il est prévu en cas de chutes de neige, il avait bien pensé à préparer l'étrave pour le chasse-neige mais il ne l'avait pas placée sur le tracteur, d'ailleurs le chef n'en avait pas parlé, et puis il s'était servi du tracteur pour faucher les bas-côtés des chemins avec l'épareuse, il ne peut pas être partout. Le portable sonne, le maire au bout du fil, les gens se plaignent, ils veulent sortir. Pourquoi s'agacent-ils autant. C'est toujours comme ça, la neige a une influence sur les nerfs des gens et tout devient urgent, très urgent.
Il n'est pourtant que huit heures, et officiellement le jour se lève à huit heures onze.
Les massifs du Jura sont enfin recouverts de neige en ce début de décembre, ce qui ravit Lionel, photographe animalier. Il attend ce moment précieux où les empreintes du lynx sont visibles sur le sol. Il part dès le lever du jour vers la piste forestière qu'il a suivie l'hiver dernier. Marcher dans le silence, en silence pour ne pas déranger le félin, le capturer dans l'objectif, et quand il le voit, allongé sur un tapis de feuilles mortes, sous une avancée de rochers lui servant d'abri, il a plongé ses yeux dans les siens, des secondes inoubliables. Des photos en rafale, des zooms qui figent cet animal sur la carte mémoire de l'appareil de Lionel.
Il a ouvert grand la gueule, un bâillement tranquille, il se lève, il est haut sur pattes, il me tourne le dos, il part. Sa démarche ondulante, son pelage roussâtre, tacheté de gris, les touffes de poils sombres allongeant ses oreilles, il marche délicatement sur le sol immaculé, ce qui ne facilite pas le travail de Lionel qui ne baisse pas les bras, espérant déceler de nouvelles empreintes si difficilement décelables. Une passion débordante pour Lionel qui occupe ses journées hivernales à identifier des traces quand la neige est le plus précieux des livres d'observation.
Mésange à tête bleue, charbonnière, chardonneret, rouge-gorge, sittelle torche-pot à la poitrine rousse, aux ailes et dos bleu gris, petit moineau commun et moineau friqué, tous patientent en voletant près de la mangeoire suspendue à la tonnelle, d'aucun ne voulant laisser sa place au voisin, chacun défendant son tour à petit coup de bec, chaque petit voleur de graines déguerpissant fissa avec une graine dans le bec. Un petit coup d'aile jusque dans le prunier et la graine tenue habilement dans les doigts si fins du petit passereau est soigneusement décortiquée avant d'être avalée. Et le manège reprend, il ne s'arrêtera pas tant que la neige recouvrira le sol, tant ces petits corps frêles ont besoin de graisse pour survivre au froid. Ils laissent au sol leurs fragiles empreintes à trois doigts.
Plus loin, dans le verger en contre-bas c'est le merle noir qui se délecte de la chair des pommes oubliées au sol.
Il avait neigé, beaucoup, du vent, des congères, un thermomètre à moins dix degrés quand la mère, un peu avant l'aube, a ressenti les premières douleurs. C'est leur premier enfant, il faut attendre quelques heures, des heures longues. En début d'après-midi, il est temps pour le futur père d'aller chercher la sage-femme. Il roule dans la neige gelée, le vent s'engouffre sous son pardessus trop peu protecteur dans ce froid glacial, il a la tête protégée par un passe-montagne, les flocons lui cinglent le visage, ses yeux souffrent, des larmes de froid coulent sur ses joues, ses moustaches blanchissent. Seules ses mains sont tenues au chaud dans des doubles gants.
Les pneus de la vieille moto Gnome et Rhône adhèrent mal au sol, cet engin n'est pas fait pour rouler sur la neige. Le futur père doit avancer coûte que coûte, il doit avertir la sage-femme, elle doit être là avant qu'il ne soit trop tard, lui, le futur père ne saurait pas, il ne faut pas que la panique le gagne, il doit faire preuve de beaucoup de prudence et en même temps, le temps presse. La neige tombe, tombe de plus en plus drue et le vent ne faiblit pas. Quarante minutes pour parcourir six kilomètres. Après avoir mis le pied à terre de nombreuses fois pour ne pas laisser basculer la bécane au sol, il arrive au but, la sage-femme est chez elle, elle va prendre un taxi, pas d'inquiétude, tout va bien se passer. Elle rassure le futur père qui reprend le chemin en sens inverse.
Ingratitude de ce mois de décembre. Elle est née à seize heures. Il neigeait toujours.
Une clarté inhabituelle depuis la fenêtre de ma chambre, la neige est tombée cette nuit. J'ai doublement envie de rester bien au chaud sous la couette, de prendre un livre, de savourer ce temps sans me préoccuper d'un emploi du temps, d'ailleurs je n'ai pas d'emploi du temps aujourd'hui, c'est mieux comme ça, parce que la neige m'a longtemps stressée quand il fallait prendre la route.
La tâche que j'accomplirai quand j'aurai décidé de sortir du lit sera d'allumer le feu, un bon feu de bois, m'allonger sur le canapé, la musique, un livre, un livre qui parle du grand froid du Canada, du Québec, d'un peuple bafoué, du passé et du présent, de luttes, de rêves brisés et de l'immensité de ce territoire et des gens qui font un pays. Un livre lu d'un trait en ce premier jour de neige. (Eric Plamondon - Taqawan)
La neige a fondu, je ne suis pas sortie, j'ai pris un plaisir immense à m'entourer de tous ceux pour qui la neige n'a pas la même résonance et je vous ai écrit.
J'avais oublié. Nous sommes confiné.e.s.
Monique
Un texte d'Aline pour fêter l'année à venir
L’année 2020 s’achève… Je fêterai la nouvelle année, seule, sans cotillons, sans confettis, sans serpentins… Je la fêterai dans la joie et dans la paix d’une nuit étoilée. Je la fêterai en écoutant une nouvelle fois « L’hymne à la nuit* » :
« Ô Nuit !
Ô laisse encore à la terre
Le calme enchantement
De ton mystère.
L'ombre qui t'escorte est si douce,
Est-il une beauté aussi belle
Que le rêve ?
Est-il de vérité plus douce
Que l'espérance ? »
Je la fêterai dans la confiance et dans la clarté du soleil d’hiver. Je la fêterai dans l’espérance de l’apaisement de toutes les douleurs et dans l’assurance du renouveau. Je la fêterai dans « un chant plein de lumière et de fraternité**, » celui de l’hymne européen*** :
« Que la Joie qui nous appelle,
Nous accueille en sa clarté,
Que s’éveille sous son aile
L’allégresse et la beauté !
Plus de haine sur la terre,
Que renaisse le bonheur ;
Tous les Hommes sont des frères,
Quand la Joie unit les cœurs. »
*Harmonisation de Joseph Noyon d’un thème de l’opéra de Jean-Philippe Rameau, Hippolyte et Aricie, paroles d’Edouard Sciortino
**Charles Baudelaire. L’âme du vin
***Arrangement du thème musical de l’Ode à la joie, dernier mouvement de la Neuvième symphonie de Ludwig van Beethoven, assorti des paroles de Maurice Bouchor
Mardi 1er décembre 2020
Une controverse entre Kris et Aline
1er décembre – 18h42 - en hommage à Anne (Sylvestre), femme Libre et amoureuse des mots, mais aussi à Brigitte (Fontaine), Catherine (Ribeiro, Ringer), Jeanne (Moreau) et tant d'autres… génération de femmes modernes dont les combats au service des idées et idéaux n'ont pas pris une ride et régénèrent ceux des générations, actuelles et futures
En ce jour ordinaire, premier du douzième mois de cette année miroir 2020, l’inquiétude m’a saisie quand j’ai senti dans le ton d’Aline, d’ordinaire libre, caustique et décalé, une forme de résignation que je ne lui connais pas. En revanche, j’ai reconnu immédiatement le « mal-à-dire » qu’elle évoque, cette « maladie » contagieuse, qui, en ce début de millénaire, contamine progressivement notre langage commun… un mal d’une violence subtile - féroce - qui, en d’autres temps, prémonitoires, a failli me faire perdre l’esprit… c’est pourquoi, saisie d’un sentiment d’urgence, je partage ces quelques mots, en guise d’encouragement collectif pour nous enjoindre de tenir bon face aux injonctions paradoxales de notre époque endolorie.
« Vieillir, écrit-elle dans son journal du jour, c’est peut-être ne plus se sentir en phase avec ce qui se passe à côté de soi. Ne pas savoir déchiffrer sigles, acronymes, abréviations, nouveaux mots ou expressions répétés à longueur de journée par les media. Ne pas savoir utiliser de nouveaux outils de communication, ne pas avoir envie d’apprendre à le faire. Vieillir, c’est redevenir illettré, ignorant, c'est devenir inadapté, étranger dans son propre pays… »
...Et bien non, chère Aline, pour une fois, je ne suis pas d’accord avec toi ! A l’inverse, j’affirme haut et fort que les véritables « modernes » de notre époque en transit sont justement « les vieux » - et je précise, bien qu’entre deux âges, que je me compte dans cette désignation qui, au fond, a peu à voir avec l’âge indiqué par notre état civil mais s'exprime davantage dans le regard que les autres portent sur nous, voire, bien souvent, sur le regard qu’on se porte à soi-même...
Observons cette horde de néologismes et d'anglicismes qui déboule, ce déferlement de termes informatiques et managériaux, qui tel un glaçage insidieux du lexique a pour effet pervers d’éloigner progressivement le langage de sa fonction primordiale, toute d’échanges et de partages de connaissance, voire de sentiments. Entre autres dégâts collatéraux, cette perversion de notre bien humain le plus spécifique entraîne les individus dans une chute vertigineuse en lui fournissant une représentation du réel simpliste, biaisée, erronée. Après avoir mis en cendres les concepts, c’est le sens même de ce dont il est question - l'action, la chose, le métier, l’histoire, la connaissance, voire les faits incontestables… - qui est détourné, miné, plombé…
Pour désigner cette fuite en avant du langage – qualifié ici ou là de "novlangue", je ne parlerais même plus de "langue de bois" (encore porteuse d'un soupçon d’esthétique...), ni de "rhétorique sophiste" (dont on peut tout de même admettre un effort de l’intellect ...). Le plus adéquat serait peut-être "langue de fumée", tel un rideau écran qui recouvre les choses évoquées désormais volontairement masquées, floutées...
Cette « langue de fumée », dont les « éléments de langage » sont surlignés au fluo de la pensée binaire, sied comme un gant à notre époque de décadence de la pensée. C’est une langue de l’exclusion qui, coquetterie pacotille, se pare de terminologies hyperspécialisées ; une langue corrompue, en trompe l’œil, incapable de l’indispensable processus de symbolisation et, par là-même, inapte à la conversation… C’est une langue du « bullshit », parfaitement adaptée au règne médiocre des fake news, de la manipulation d’opinions et de la post-vérité : narration préfabriquée pour une affabulation la plus crédible possible. C’est une langue dont la structure et la syntaxe se sont progressivement appauvries : phrases courtes et style affirmatif pour asséner l’expression d’avis et d’opinions maquillées en analyses ; juxtaposition de propositions, indépendantes les unes les autres, sans autres outils grammaticaux pour les relier que des « et », voire des « mais » ou, pour les plus prolixes, des « parce que » … ce qui rend éminemment difficile l’expression même de l’esprit critique et de toute pensée complexe, naturellement constituée d’une diversité de points de vue, contre-points et points focaux…
Pour ne pas s’égarer dans le flow - le flot - de ces mots soi-disant "nouveaux" – mots de rien qui s'envolent comme des riens - zooooooommm - les « vieux » amoureux de la langue sont invités à s’armer de lucidité, de confiance - et de courage. Tels patients jardiniers, il leur faudra traquer les mauvaises herbes des idées reçues et des expressions toutes faites, débroussailler les vocabulaires abîmés par un usage dévoyé, tailler les branches des blablas qui étouffent l’arbre du sens, raviver les racines sémantiques, préserver les graines de parole et de connaissance, fertiliser les semis poétiques...
Ainsi, par cet effort sincère et valeureux, les « vieux » sont aptes à dévoiler la part de manipulation terrée derrière certains vocables a priori innocents… en intelligence avec artistes, écrivains et poètes, ce sont eux, les vieux (nous, donc…), modernes et philanthropes, qui transmettront, héritage fabuleux, le digne langage des oiseaux...
Avec espoir, et détermination …
Kris
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