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Lignes qui mordent le ciel
Odeurs sucrées de la salsepareille
Un clin d’œil sur le Mont Ventoux.
Dos au soleil, des cyprès
(des cyprès si drôles, si seuls).
Un palais, une reine, pas de roi,
Des enfants, des cris d’enfants,
Des chants d’oiseaux.
Mords la colline, ronge le roc, rôde.
Surgit la consolation.
Aline
Notre soif de consolation est inextinguible
Loin de la morgue des rois et des ruses des reines, loin des papes puissants, élimés par l’or et les orgies, tels dindons de la farce historique, la mule sait son chemin … Lignes de fuite de ses muscles : aucun écueil sur son chemin, même sur le seuil de l’ogre. En un clin d’œil, elle tire la roue du moulin et émule l’orge en pain.
Ode au Soleil, ode au germe, ode au grain. Ode à la Lune surgie à travers ciel. Ode à la Rose fragile, qui, malgré les gels, les ruines, les rides donne à chacun un peu de son parfum de rêves, socle des amours fous. Ode au roc vermoulu, linceul de l’Ermite dont la prière ding dong, point d’orgue des mutations, accompagne chacun sur le gué de la Vie.
Christine
Rue de la morgue
Colline colonisée,
Le romarin s’entête, les pins cabotinent,
Prennent la pose,
Le temps se suspend.
A quoi donc ?
Au silence troué
Par la fin de la récré,
Les enfants, la cloche,
La cour de l’école
Où se jouaient les premiers émois.
Loin du regard le mont Ventoux
Déchire les nuages,
L’air de rien.
Proximité de la pierre sèche, des remparts,
Un oiseau s’égosille,
Quoi d’important à dire
Si ce n’est ce moment ?
Peut-être surgis de Dame Mémoire,
La petite fille sur le sentier,
L’odeur des chèvrefeuilles
Qui l’enivrait
Et tout ce qu’elle supposait.
Le monde autour n’a pas rétréci,
Il a juste la ride du temps creusée.
Plus de ruines que de murs
Elles facilitent le passage
Vers le paysage.
Les grandes orgues ne joueront plus
Mais les ailes du moulin tournent encore.
La reine se ligue contre le Roi
La muse poursuit le germe
Toute de ruse, elle saura
En un clin d’œil attirer
L’écume des jours et le parfum de la rose.
Le rôle de la lune est relégué,
Le soleil singe un beau temps en exil.
La dualité drôle, dure comme le roc
Muscle la souvenance.
Dans le creux, sous l’herbe drue
L’ermite se transforme en ogre.
Il explore le souterrain de son œil torve
Et dévore son linceul.
Déjà il agrippe la terre et retombe sous le seuil
Définitivement seul jusqu’à la fin des fins
Rêvant de l’or du couchant sur les Alpilles
Et du passage du gué quand il arpentait les prés.
Une orgie de sagesse, c’est ce qu’il voulait
Quand la vie souveraine, au loin se dissipait.
Une fois la consigne intégrée, texte à partir du lexique de La colline des Mourgues :
Le roi et la reine dans les murs en ruines donne un socle à l’ogre. Un clin d’œil à la muse et le soleil mord de rose et d’or les lignes. La lune, elle, avec morgue, ruse, elle écume les durs écueils. Une drôle de morue, au coin de la rue, singe le dindon. Il se ligue avec la grue. Seule sur le gué, sans licol, la mule se muscle. Sur le ring, ding, dong, l’émule moulu rode son rôle, c’est rude ! Dur comme le roc, le germe lime le linceul mou. Molle aussi la courge n’a pas une ride. Le gel ronge le seuil du moulin et élime le linge de lin.
Colette
Ode au paysage
Assise au sommet de la colline, nonchalante, tête posée sans façon sur son socle, le regard porte loin, au-delà du visible. Droit devant, sans effort, abandon total, aucun muscle du cou ne se tend. Le paysage s’offre. Au plus court, l’architecture en or des pierres des maisons du village, de la collégiale, du Fort Saint-André ruse avec le soleil. Un peu plus loin, vision de décor de théâtre, lignes ordonnées, rythmées selon le grand façonnement de la nature au long des temps ancestraux.
Tu vois loin, la ligne de tes yeux épouse d’horizon. Perdue dans les verts et les bleus, les couleurs du lointain, ton esprit se vide laissant le relief et ses formes fantastiques te raconter des histoires merveilleuses de fées et d’ogres, de rêves impossibles, de folies accomplies ou inassouvis.
Si, par bonheur, le paysage épouse naturellement les méandres de tes émotions, s’il te parle, te remplit, te comble, ma chère, tu es une femme heureuse.
Josiane
La collégiale ND vue depuis la colline des Mourgues Le cloître vu par Aline
Elle est là, dans ce lieu de silence, à la recherche des mots, ceux d’hier, ceux d’aujourd’hui. Elle ne les trouve pas. Ecrasés par le poids des remparts du Fort St André, remplacés par le clic-clac des appareils photo, tirés vers le ciel au sein de la Collégiale, les mots se sont échappés.
Reste le silence. Apaisant et éternel.
Aline
Bien longtemps qu’il n’y a pas eu de mariage ici… des enterrements, ça oui… Pourtant, Jésus j’ai confiance en toi ! Chaque jour, je descends de la colline et mène l’âne au village en espérant croiser l’Antoinette… pauvrette, toute sa famille est tombée à cause de la grande Epidémie… elle, si enjouée, rase les murs maintenant, les yeux baissés et triste, si triste qu’elle ne voit plus rien de ce qu’il se passe autour d’elle. Même mes bonjours, elle ne les entend plus…
Hier soir, à la chapelle de la Consolation, celle sur la colline des Mourgues, j’ai mis un cierge pour Sainte Marie… aujourd’hui, c’est sûr, Antoinette va répondre à mon sourire et, si je trouve les mots qui suivent, on entendra son rire cristallin s’égayer dans les rues du village… Mon Dieu, aidez-moi donc ! Si elle répond à mon bonjour, je lui dirai qu’elle est ma belle, mon espoir, mon salut, celle que mon cœur a choisi… et si seulement cette fois, elle répond à mes avances... je l’épouserai et nous aurons de beaux enfants et la vie reprendra ses droits… alors, la malédiction sera levée... et tout redeviendra comme avant. Et…
Trop tard, elle a disparu… ce sera donc pour demain… demain peut-être, demain sans doute…
Christine
A perdre la raison
C’est une vallée où le mistral souffle et quand il souffle, il refroidit les âmes. Alors, seuls les cyprès restent droits. Les platanes, les micocouliers, toute la nature se laissent martyriser par la charge des rafales. Les hommes, quelquefois en perdent la raison et les images qui s’échappent de sous leur crâne exaspéré ont la violence de ce seigneur venu du Nord. Ça vrille les cervelles et l’instinct animal s’en échappe comme libéré qui anéantit la volonté des esprits faibles. Il y a neuf jours que le vent dévaste Villeneuve lez Avignon, hommes et bêtes ploient sous ses coups.
Au dixième jour enfin il fléchit, laisse le ciel d’un bleu immense et les contours du mont Ventoux bien précis. Puis quelques nuages dessinent des nuances dans le bleu du ciel, la température remonte et dans les rues autour de la Collégiale la vie reprend.
Marie, un énorme panier sous le bras descend la rue. Elle est lavandière et porte les habits fraîchement lavés à Monsieur le curé. Derrière elle, Jean conduit la charrette tirée par Théodore, son âne. Elle sent dans son dos l’intensité du regard noir. Il détaille les parties de son corps. Elle sait le picotement qui la prend quand il la suit. Elle entend son pas qui s’adapte aux siens. Il n’essayera pas de la dépasser, de lui parler. Il va rester là derrière elle à l’épier. Son châle ne la protège de rien et surtout pas du désir qui l’étreint ; une emprise dans le bas du ventre sous son ample jupon rose ; quelque chose de mouillée entre ses cuisses. Ça lui fait peur, presque mal. Dix jours sans sortir et la boue sèche râcle à ses sabots. Elle va déposer le linge, repartir aussitôt, revenir vers le cloître de la Collégiale, le contourner et elle s’assoira dans l’église, tout près de la vierge à droite de l’autel, elle demandera pardon pour l’égarement de ses sens ; elle sait que c’est péché. Elle priera pour que ça s’arrête. Elle se perdra dans l’or de la vierge jusqu’à ce que le rythme de son cœur ralentisse. Elle fixera les plis dorés de son habit, voudra y enfouir son visage, oublier la brûlure du corps. Le plâtre froid accueille le bouillonnement de son sang. Déjà le calme revient et avec lui déjà l’envie que ça recommence. Demain elle portera à nouveau sa corbeille, descendra la rue, les hanches mouvantes malgré elle. Elle sait qu’il sera derrière, calquant son allure sur la sienne, imprimant dans sa chair à elle son désir à lui qui finira par l’appeler, la traverser, la happer.
Colette
« Puits que de dire sans fin sans fond
Jusqu’à l’épuisement de dire comme de l’eau
Mouillée de phrases et de silences »
Philippe Berthaut
Puits que de faire
Sans fin sans but
Jusqu’à l’épuisement des corps
Comme de la pierre
Taillée de ruissellements
et de larmes.
Puits que de croire
Sans fin sans espoir
Jusqu’à l’épuisement d’aimer
Comme du jasmin
Frappé de rayures
Et de lissages.
Aline
Puits sans fond
« Puits que de dire sans fin sans fond
Jusqu’à l’épuisement de dire comme de l’eau
Mouillée de phrases et de silences » P.B.
Penchée sur le puits, plus rien n’existe
Penchée sur le puits, le vide appelle
Les rires de l’enfance
Le chant des cigales
Le souffle du mistral
Penchée sur le puits, un froid noir remonte
Les cris des mères
Les lumières bleues
L’odeur âcre du désespoir
Penchée sur le puits……….
Josiane
Puits que de dire la grille la protection
Jusqu’à l’évitement de la chute
Dans le néant, vibrent d’anciens enfermements
---
Puits que de dire
L’eau des profondeurs intimes,
Jusqu’aux entrailles de ces terres
Souillées par trop d’absents, violents firmaments
----
Puits que de dire la Source, l’élan
Hors des mondes apparents
Pourtant la vie coule et s’écoule,
Et jaillit princière des fontaines du printemps
Christine
Lancer le caillou, attendre l’écho
des miasmes remontent,
au fil des mots,
odeur de pourriture.
De profundis,
des ténèbres ? Ou le couloir d’Alice ?
Ombre portée sur les parois,
Silhouette du lapin en émoi ?
Ou la dague qui pique ?
Le silence des morts,
ou le clapotis de l’eau vive ?
Méfie-toi de l’eau qui dort,
et des mots qui mordent.
Puits que de dire
sans fin sans fond.
Colette
Le souffle coupé, le mollet douloureux, les genoux explosés, le dos cassé,
Arrivera-t-elle en haut de la montée ?
Elle est arrivée !
Ne tient pas à recommencer. Ne tient pas à marcher.
Tient juste à respirer, à regarder, à admirer, à aimer.
Tient juste à vivre encore quelques années.
Aline
Vendanges de mots
L’automne, à peine… S’offrent 19 soleils, cadeau précieux de ce temps en suspens.
Au travers des vitraux, des chapelets de lumière irradieront leurs cœurs, mûrs pour la patience de l’hiver.
Christine
vif l’air mord les joues
vers le fort
le rocher marche sur le trottoir
néfliers lauriers cisèlent
la patiente pierre blonde
silence entre les trilles
le soleil du matin
enrubanne et berce
Geneviève S.
Comptine du vide
Assises sur la roche, les maisons de la montée jouent à saute-moutons. Elles se jouent du vide.
Saute, saute mon enfant, évite les maisons.
Quand tu seras à la cime du cyprès, tu sauteras du comptoir jusqu’en bas, sur les toits de tuiles grises.
Josiane
La salamandre
J’ai rencontré la salamandre…
Quand elle est sortie de l’eau
Elle s’est dirigée, au ralenti, vers le sous-bois.
Moi, je l’ai suivie, sans faire de bruit
Et j’ai croisé son regard noir et humide.
J’ai rencontré la salamandre…
Sylvie