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Assis sur les murets du jardin médiéval, laissez-vous éblouir...
Les oiseaux s'égosillent. Ils tentent en vain de couvrir le bruit des sirènes anti-vol qui monte de la vallée. Temps doux et humide, pas de vent. Le temps est immobile.
Mélisse, verveine, romarin, euphorbe... plantées là, évoquent le moyen-âge, le temps des monastères... bientôt le temps des guerres, des guerres de religion qui n'en finissent pas. Le temps est immobile.
Une rose malingre tente de survivre à la canicule et à la sécheresse de l'été ; d'autres ont péri avant même d'éclore. Il en va de même pour tant de jeunes aujourd'hui : filles afghanes enfermées derrière leurs tchadors, enfants ukrainiens sous les bombes, minorités écrasées de par le monde, réfugiés refoulés ici comme ailleurs.
Le temps semble immobile, il s'effondre. Le monde implose.
Aline
Notre Dame d'Aubune a perdu la santé
Fissures, blessures, l'église est fermée
Le monde est blessé
Les piliers, les chapiteaux vacillent
La pierre est friable, le monde part en vrille
Le temps fait son chemin
La bâtisse se fend et s'éteint
Le monde s'affaisse
Malaise
Finies les processions, les ovations
Les pèlerinages, les jupes noirs des vielles femmes
Finis l'encens, les aubes blanches, l'eucharistie
Finis les cantiques et l'hostie sur la langue
Notre Dame se meurt
Plus de cercueils et plus de fleurs
Plus de cercueils et moins de fleurs
Plus de confidences dans le confessionnal
De mots latins et de cantiques
Plus de voix qui se mêlent et s'élèvent
Les cyprès, les chênes verts, les oliviers seront les seuls à entendre le fracas des pierres
Le clocher vacillera
Les pigeons exacerbés s'éloigneront le temps du tremblement des murs
Ils reviendront, bornés et véloces reconstruire leurs logis
Dans le joli jardin, la verveine et l'hysope
la sarriette et le romarin continueront à mêler leurs arômes
Des filles désœuvrées rempliront des carnets
Et leurs voix s'élèveront dans un chœur reformé
Babeth
A la grande Dame Brune
Ce serait absolument ravissant, nous serions ravies, un véritable ravissement
Aurions-nous donc rêvé
Ces carrés de verdure
Piquetis végétaux étoilés d’odeurs suaves
Aromatiques et tinctoriaux
Aurions-nous imaginé
Ce dôme souverain
Les pierres blondes de la chapelle mariale,
Ses trois chevets, moussus
Et ce grillage sonore
Variations de chants d’oiseaux
Sur bruits de fusils et de moteurs d’avions
En cette contemplation,
Chacun sa part, sa partition
La trame du temps qui coule, juste en dessous
Recouvre les chants des dames du temps jadis
Allons-y, donc … écoutons, chères immortelles, leur ode au jardin du temps filé
Absinthe Achillée Aigremoine Armoise Artémis
Coronille Euphorbe Garence Hélidrupum
Onagre Mélisse Rose pimprenelle
Valériane Verveine étoilée
Christine
Sous la chape de pierre,
L’âme d’un damoiseau ou d’une damoiselle ?
Longue dame brume ou jouvencelle ?
Sarcophage plus ancien ?
Fontaine de jouvence ?
Ou peut-être à l’aube des temps,
Par monts et dunes,
La procession des pèlerins,
Un jour s’arrêta, ce serait là !
Alors de concert, l’eau jaillit.
Puis les plantes, puis les murets de pierres,
Petites prisons éphémères.
La croyance des hommes de prières,
Et le chant des oliviers
Agrippés à la terre éternelle.
Colette
Le campanile émerge comme issu du toit de tuiles. Il domine l’édifice malade, blotti fiévreux au fond de la restanque. Il scrute les femmes par ses quatre ouvertures étroites, verticales, ornées de colonnettes surmontées d’arc de cercle. Quatre ouvertures, quatre bacs de plantes médicinales, ornementales, tinctoriales, aromatiques. Deux fois quatre amies pour écrire ce lieu. On est dans le monde matériel de la vie quotidienne qu’il faut embellir quand on peut….et c’est aujourd’hui, c’est maintenant.
Pistachier térébinthe
Josiane
Le nez en l’air,
De petits blasons cachés,
Et des pigeons qui roucoulent.
Il claque
Il claque dans la brume
Le vol du pigeon
Rameau d’olivier
Sans olive
Rameau d’olivier
Assise sur le muret du jardin médiéval…
Onagre et les oiseaux
Rose Pimprenelle et Nicolas
Aigremoine et douce sœur
Douceur
Sauge d’Afghanistan
Rêve de désert
Garance Violette Marguerite et Rose
Coronille et Caroline
Népéta
Tanaisie
Achillée d’eau douce
Mélisse
Rumex
Euphorbe épurée
Valériane et Sylviane
Marie-France
SILENCE
Un bourdon s'enhardit.
L'air humide s'emplit d'une stridulation.
Ombre blanche à travers les branchages la chapelle se ferme,
s'emprisonne,
se repose,
nous rejette.
La plante urticante s'épanouit,
rieuse
Qui était donc notre Dame d'AUBUNE ?
Une longue dame brune,
impatiente,
solitaire ?
La pierre ordonne. Imaginer la mer.
Le surgissement du Ventoux.
Le bruit des vagues venu du plus lointain de notre mémoire.
Le ressac.
Nous sommes les descendants des lointains survivants.
Le sable en est la trace.
Avec le temps tout s'efface.
Ne subsistent que les ruines,
narquoises.
Pour combien de temps ?
Une vie souterraine s'empare des lieux
Les fleurs sauvages refleurissent
envahissent la vigne
La longue dame d'AUBUNE reprend possession des lieux.
L'oiseau timidement se remet à chanter.
Nous n'avons fait que passer.
Rachel
La vierge est mal en point
la chapelle fermée se fissure
mais il pleut
il pleut un peu
Les escargots se meuvent imperceptiblement
la verveine reprend du poil de la bête
les oiseaux ont beaucoup à se dire
ne pas craindre le pire.
Sylvie
"Peut-être que si j'ai osé t'écrire, langue prêtée, c'était pour employer ce nom rustique dont l'unique empire me tourmentait depuis toujours "Verger."
Rainer Maria Rilke
Mots alignés comme des arbres...
Paris, je rape, tu paries, elle part (la carpe...)
Capri, je ris, tu cries, elle prie (la carpe...)
sous le CAPRIER.
Aline
En quête de transcendance, elle danse, nue, sur la RESTANQUE.
Sa transe ruse avec le sang et le reste des ans. Ouvre l’œil et la voix ! Toutes voiles vidées, elle enlace l’OLIVIER.
Au-dessus du VERGER, elle rêve de grèves déployées au gré de rives rudes. Nouveau sel de vie, envol.
Alors, éprise, éclatant de son rire escarpé, elle crie puis prie la fleur du CAPRIER.
Christine
CAPRIER
Paré de sa cape
Sur l’escarpe de terre,
Ton rire résonne
Crie
Et prie pour
Que revienne
Du cap
La part à parier.
VERGER
Sur la grève
Au gré des vers,
Les pommes vierges rêvent.
OLIVIER
Si ciel sol
Toutes voiles au dehors
Marie-France
C’est rare.
Marcher dans une rue escarpée
et entendre les enfants crier
ou rire.
S’arrêter et admirer la fleur du câprier
comme on prie.
Sylvie
Je veux comme toi, sans façon,
goûter l'air du temps,
m'éparpiller en mille gouttelettes
et connaître un millier de passions...
Je veux comme toi
faire de l'air un arc en ciel
et parsemer le temps
de mille instants de bonheur...
Je veux comme toi
devenir ce que je suis
un maillon dans la chaîne humaine,
une goutte d'eau au sein de l'océan.
Aline
Où vas-tu visage ? Je vais à la ville
Que regardes-tu ? Je regarde les nuages qui dansent
Qu’est-ce que tu attends ? J’attends l’aube naissante
Christine
Vigie du visible et de l'invisible, écriture libre